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Orge et Yvette pour Ségolène
22 octobre 2006

Tranche de vie : "Quel dommage que Madame Royal soit de gauche"

Chacun ses vices. Sensible au "charme discret de la bourgeoisie", j'adore discuter politique avec des notables de droite. Force est de constater qu'ils sont généralement d'une courtoisie exemplaire et, amateurs de curiosités, toujours émoustillés à l'idée de dialoguer avec un petit-fils de meunier, un non-divorcé toujours amoureux de sa femme ou (encore plus exotique !) un  socialiste candide. L'occasion m'en a été donnée pas plus tard que dimanche matin à la Sorbonne...

Invitation renvoyée trop tard, grasse matinée prolongée à en avoir des crampes, erreurs de parcours (mais qu'est-ce que je fais à Montparnasse ???) :  j'avais mis toutes les "chances" de mon côté pour ne pas avoir de place. Un psy y décèlerait ma culpabilité de délaisser le foyer domestique le jour de l'anniversaire de mon fils unique, la chair de ma chair ! Mais une invitation de Ségolène, j'en demande pardon aux valeurs familiales qu'elle défend si bien, ça ne se refuse pas !

Bref, me voici en Sorbonne où, comme dans un jeu vidéo, il faudra encore franchir deux ou trois niveaux de filtrage et plaider ma cause avec un pouvoir persuasif digne du camarade Arnaud pour arriver enfin dans le saint des saints, ce grand amphithéatre prestigieux. Sans réfléchir, je grimpe les marches en vitesse et me voici tout en haut, à la montagne. Mais cette montagne-là n'a rien de révolutionnaire...

Suite à un bouleversement d'horaire, bon nombre d'habitués non prévenus étaient venus applaudir... Pierre Arditti ! C'est dire la déception de ma voisine de devant, pour ne citer qu'elle, quand, à la place du "Français le plus sexy" selon un classement du journal Elle, elle se voit infliger la prestation d'une femme qui certes "a bon genre et ne manque pas de classe" mais professe (quelle horreur !) des idées de partage des richesses ! Pour détendre l'atmosphère (et aussi à la recherche, qui sait ?, d'un soutien), je lance un très drolatique "y a-t-il un socialiste dans la salle ?" ne provoquant, comme un pavé dans la mare, que quelques gloussements entendus. Bien résolu à faire mon "outing" jusqu'au bout, je crois bon d'ajouter "il y en a au moins un : moi", provoquant aussitôt des pincements de nez dégoûtés comme si je venais d'émettre un pet sonore (cela arrive...).

Paraît Ségolène. Rayonnement du sourire, crépitement des flashs... J'applaudis à me déboîter les poignets.  "Vous êtes un de ses groupies" me lance mon voisin de droite (c'est le cas de le dire) d'un air narquois. "Oui, et ma femme en est jalouse" plaisantè-je. Mais non, bien sûr. Pas de fan club chez Ségo, ni autographes ni photos dédicacées !  Et je le regrette bien ! Ce serait tellement plus fun de se contenter, comme avec d'autres candidats, de faire ce que je fais ce matin-là, applaudir aux discours avant de partir distribuer les tracts. Au lieu de ça, il faut "mobiliser notre intelligence collective", comme elle dit, à en avoir la cervelle en sueur ou à sauter tout nu de sa baignoire, comme Archimède, en criant "Eureka : j'ai trouvé comment donner aux Français l'envie d'adhérer au parti socialiste ! " Mais ça, elle a trouvé avant moi...

Ségolène attaque le plat de résistance : la crise démocratique. "60% des Français estiment que les hommes politiques sont corrompus", lâche-t-elle, "Il existe un doute profond sur les raisons au nom desquelles le pouvoir est exercé".  "Là, elle a raison", concède mon militant UMP de voisin. Puis, explication de texte sur la démocratie participative : pas contraire à la démocratie représentative mais permettant aux citoyens d'être associés aux diagnostics et aux décisions dans l'intervalle entre deux élections.

On passe aux questions - réponses, la Turquie, l'accusation de populisme ("Je n'ai pas peur du peuple. (...) Si le peuple français a dit non au traité européen, c'est parce qu'il a le sentiment d'avoir été écarté de la construction européenne et surtout des questions les plus simples, comme celle de son élargissement". Mes voisins applaudissent chaudement. Moi, plein de délicatesse, je fais comme si je n'avais rien vu. "Il ne faut pas confondre réunion de décision et simple réunion d'information où l'on ne tient aucun compte des avis. Les citoyens sont exigeants et, si on les trompe, leur déception nous revient comme un boomerang très douloureux". Applaudissements frénétiques de mon UMP qui, pris en flagrant délit de ségolisme, s'excuse d'un "Je ne suis pas sectaire !" Moi non plus, cher Monsieur, devant ma télévision, j'ai même applaudi le discours de de Villepin s'opposant à la guerre en Irak.

C'est le moment pour Ségolène de définir sa conception du métier de présidente (je cite de mémoire). "Le chef de l'Etat mettra en place un pacte social. Le projet présidentiel se noue avec le peuple pendant la campagne, c'est ce qui va fonder la responsabilité du chef de l'Etat." Et Ségolène d'abattre sa carte maîtresse : "Le thème fondateur de ce pacte, c'est la réduction des inégalités, dont la principale oppose les familles qui peuvent transmettre leurs valeurs, un logement, un métier (...), s'inscrire dans la lignée des générations, et celles (...) confrontées à une rupture fondamentale du pacte social." Tout en frappant malgré lui dans ses mains, qui semblent désormais animées d'une volonté propre (pas facile pour un homme de droite de cohabiter avec des mains de gauche !!!) mon UMP pas sectaire me confie d'un air déçu : "Finalement, elle est vraiment de gauche. Comme c'est dommage !".  Mais bien sûr que Ségolène est de gauche ! Tout son entourage, sa garde rapprochée, est de gauche. Elle est viscéralement de gauche, avec presque un soupçon de sectarisme. Peut-être pour la même raison que Madelin est de droite : par opposition envers son papa...

Encore beaucoup de questions, d'ordre juste et de misère de la Justice, de "nouvelle donne à définir avec les jeunes" : "Il faut déclencher un mouvement de solidarité entre les générations. Je suis favorable à ce que tous les étudiants puissent avoir des unités de valeur en plus s'ils font un travail de tutorat envers les jeunes en difficulté scolaire".  Au fait, qui a dit qu'elle n'avait pas d'idées ? La vraie difficulté, pour elle et pour son équipe, c'est de faire la synthèse entre 30 000 contributions déjà glanées sur le site Désirs d'avenir, sans parler des autres débats, le plus grand remue-méninges de l'histoire de France depuis les cahiers de doléances en 1788 !

A-t-elle un modèle ? Elle avoue sa préférence pour le nordique, même s'il n'est pas parfait, tout en reconnaissant de l'intérêt aux exemples anglo-saxons quand il s'agit de capacité d'entreprendre. Mais la France a d'autres talents. Elle ne doit pas imiter à l'identique mais regarder en toute modestie ce qui marche ailleurs. 

Les dernières questions - réponses achèvent de brosser le portrait d'une authentique politique de gauche : pénalités contre les délocalisations purement financières, appel à l'intelligence des salariés pour trouver de nouveaux crénaux pour les entreprises en difficulté (elle l'a fait et ça marche), priorité donnée aux quartiers qu'elle se refuse à qualifier de "pauvres", riches qu'ils sont de créativité et de talents.

Le camp UMPiste ne rigole plus. Ultime tentative pour contrer l'échec et mat : "Votre Royal traine le PS comme un boulet. Vous qui semblez avoir de l'influence, conseillez-lui de s'en séparer". Je le scrute au fond des yeux : il ne plaisante pas. "Il nous faudrait quelqu'un comme ça à la tête de l'UMP" ajoute-t-il au bord de l'agonie. Magnanime, je veux l'aider à positiver : "Vous avez Alliot-Marie". Outré, vaincu, il ricane et me plante là sans me serrer la main. Pas très fair play pour quelqu'un de pas sectaire...

Lisez le compte-rendu de l'intervention de Ségolène Royal dans Libération .

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Commentaires
M
il est parfois plus délectable de lire l'actualité avec du retard que sur l'instant.<br /> <br /> C'est ce que je fais ce soir, 19 Novembre, et vraiment ton récit est hilarant et si vrai sur le fond.<br /> <br /> Merci à toi,<br /> <br /> Marie-Françoise
Orge et Yvette pour Ségolène
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