Un après-midi très sportif

15 février 2007

Chère Ségolène

« Il y a des jours où l’on ferait mieux de rester couché » disait l’intelligence singulière de ma cousine.

Ce mercredi 14 février avait les couleurs d’un jour comme ça. La pluie, la pluie, l’interminable pluie. La route d’Evry bloquée, paraît-il, par une manif’. Un rendez-vous retardé avec le football féminin. Des gamins qui chahutent comme si, maintenant que le rugby est passé professionnel, ses supporters devaient adopter les mœurs de certains de leurs collègues du football. Et comme si les jeux, dans notre société du spectacle, étaient devenus plus essentiels que le pain.

Pour couronner le tout, un couac au sommet...

Faut-il communiquer sur le coût du Pacte Présidentiel, jouer cartes sur table, opposer chiffre contre chiffre, projet contre projet ? Comme si l’adversaire ne bluffait pas et si ses cartes n’étaient pas biseautées ! Leur projet n’a pas besoin d’être chiffré puisque, hormis les baisses d’impôts pour les plus riches, ce ne sont que vaines promesses. Chiffre-t-on le coût de la caverne d’Ali Baba entraperçue en rêve ?

Ils avancent des chiffres, pourtant ! Ségosphère nous les rappelle.

1 janvier 2007 : 68 milliards d'euros

1 février 2007 : 35 milliards d'euros

15 février 2007 : 15 milliards d'euros.

A ce rythme là, un peu de patience. Vers le 3 mars, leur projet ne coûtera plus un rond. Au 22 avril, il permettra de réduire les impôts pour tout le monde, de résorber la dette et de résoudre tous les problèmes qu’a créés cette même droite au pouvoir depuis trop longtemps. Puisque les médias nous le disent !

Et s’ils gagnent, ils recommenceront à creuser la dette, à enrichir les riches, à taper sur les pauvres, à plomber la croissance et la recherche, à restreindre les libertés, comme ils l’ont toujours fait depuis au moins Louis XIV.

Sale journée vraiment. Il fallait voir l’employé préposé à la lecture du journal de BFM TV annoncer d’un air gourmand et sardonique les zizanies de la campagne de Madame Royal avant de rectifier la position pour répercuter la dernière promesse en l’air du candidat officiel. On croyait entendre comme un claquement de talons. C’était probablement pire ailleurs mais je n’ai pas eu le courage de faire l’essai.

Cela devait pourtant être une magnifique journée. Vous êtes venue nous voir, à Marcoussis ! Nous étions là au coude à coude, heureux et chaleureux comme à l’habitude, élus locaux et champions du monde, figures nationales des partis de gauche, comme Baylet et Bianco, et simples militants qui ont mouillé leur chemise, dans tous les sens du terme, pour accueillir, canaliser les supporters, rendre la salle pimpante et ses abords convenablement fléchés et affichés, remporter la guéguerre avec le policier préposé à la surveillance des affiches de l'adversaire et qui nous menace en examinant nos papiers. Et Olivier Thomas, le maire – peut-être futur député, chargé de vous accueillir, qui n’aurait pas cédé sa place pour un arpent de son cher triangle vert du Hurepoix !

On a parlé sport. Cette morale de l’effort. Ce levier d’intégration, y compris pour les personnes handicapées. Cette sublimation de la violence toujours vrillée en l’homme… Un médecin a sorti sa calculette pour prouver qu’un peu de marche quotidienne réduirait drastiquement les dépenses de santé. Le sport, sinistré de la politique à courte vue, comme tout le reste…

Et puis vous vous êtes exprimée, comme toujours avec ce je ne sais quoi d’émotion contenue. Frêle et forte, sensible et inflexible. Vous avez détaillé votre plan : doublement du budget, augmentation des postes au Capes pour assurer la troisième heure de sport dans les lycées, reconnaissance de l’expérience acquise par les bénévoles dans leur parcours professionnel…

« Le sport, avez-vous dit, est le premier espace de citoyenneté, de prévention de toutes les sortes de violence, de la délinquance, il est plus fructueux d'investir dans le sport que dans la répression. La première action efficace de lutte contre la violence au collège c'est la pratique sportive, le sport est un combat pour une société meilleure" ». Notre combat…

Non, finalement, dans ce haut lieu du rugby, parmi toutes ces championnes comme Eunice Barber ou Christine Aaron, ces champions nommés Ladji Doucouré, Ronald Pognon, Richard Dacoury, Serge Simon, Fabrice Landreau…, et avec vous, Ségolène, ovationnée, happée par notre foule avide, vous stoïque sous l’assaut de ceux qui se bousculent pour s’immortaliser sur la photo, vous tantôt mutine et tantôt mère Courage, finalement, ce mercredi 14 février fut une très belle journée !